Les Nuits attiques (Noctes Atticae) - Oeuvre composée de vingt livres, rédigée au IIᵉ siècle par Aulu-Gelle. Il s'agit d'un recueil érudit mêlant anecdotes, réflexions et citations tirées de lectures diverses. L'ensemble prend la forme de notes savantes glanées au fil des lectures, sans plan systématique, mais demeure précieux pour sa richesse documentaire et pour le témoignage qu'il offre sur la culture romaine du IIᵉ siècle. (Marache, 1964 ; Thibault, 1986 ; Miotti, 1992 ; Pailler, 1997 ; Bury, 2000 ; Cordier, 2009).
L'oeuvre nous est parvenue par l'intermédiaire de manuscrits médiévaux, parmi lesquels le Vaticanus Palatinus lat. 24 (IXᵉ siècle) est le plus important. Le livre VIII est perdu dès l'Antiquité (il ne subsiste que son index), et l'ensemble présente diverses lacunes ainsi que des variantes entre manuscrits.
LIVRE II - Circius
Aulu-Gelle (II, 22, 20) rapporte (via les propos du philosophe gaulois Favorinus d'Arles) que les Gaulois nommaient "Circius" un vent de leur pays, réputé pour sa violence, son mouvement tourbillonnant et la puissance de ses rafales. Le nom même serait lié à son rotation ("circuitus"). Aulu-Gelle joue ici avec l'étymologie et le son des mots. Il mentionne Circius (le nom gaulois du vent), mais semble suggérer une parenté avec le latin circuitus ("mouvement circulaire"), en raison de son tournoiement(1).
(1) Sénèque (Questions naturelles, V, 16) évoque ce vent gaulois violent et rapporte qu'Auguste lui aurait consacré un temple, signe d'une forme de " déification " liée à sa puissance. Le Circius apparaît ainsi comme un vent redouté mais quasi divinisé, objet de curiosité savante chez Aulu-Gelle et de reconnaissance naturelle chez Sénèque.
LIVRE IX - La légende de Corvinus
L'histoire de Marcus Valerius (IX, 40), jeune officier romain du IVᵉ siècle av. J.-C., qui affronta en combat singulier un chef gaulois. Alors qu'il acceptait le duel, un corbeau vint se poser sur son casque, puis se mit à harceler le Gaulois en lui picorant le visage pendant le combat. Profitant de cette aide inattendue, Marcus Valerius remporta la victoire. Ce prodige fut interprété comme un signe divin, et on lui donna dès lors le surnom de Corvinus (du latin corvus, "corbeau")(2).
(2) L'épisode de Marcus Valerius Corvinus (combat singulier contre un Gaulois aidé par un corbeau) est mentionné par un grand nombre d'auteurs antiques, ce qui atteste de sa forte diffusion. (voir : La légende de Marcus Valerius Corvinus).
LIVRE XV - Petorritum
Aulu-Gelle évoque le terme petorritum, désignant un type de char. Il rapporte qu'un interlocuteur soutenait une origine grecque du mot, mais il rejette cette interprétation. S'appuyant sur l'autorité de Varro, il affirme que petorritum est un mot gaulois(3) (transalpin), passé dans l'usage latin. Il souligne que certains auteurs l'ont mal expliqué, preuve d'une méconnaissance des langues locales (XV, 30). Le passage illustre ainsi l'attention d'Aulu-Gelle aux questions d'étymologie et d'emprunts linguistiques, notamment issus du gaulois.
(3) Origine gauloise également chez Festus. On peut raisonnablement supposer que Festus comme Aulu-Gelle tiennent cette information de la tradition varronienne (directement ou via Verrius Flaccus), dans la mesure où aucun lien de dépendance textuelle n'est attesté entre leurs oeuvres. Leur convergence semble donc résulter d'une source commune - probablement Varro - plutôt que d'un emprunt mutuel.
LIVRE XVII - L'ellébore blanc
Nous y apprenons aussi que les Gaulois trempaient leurs flèches de chasse dans l'ellébore blanc pour attendrir la viande du gibier. Conscients de sa toxicité, ils découpaient ensuite la chair autour de la blessure afin d'éliminer la zone contaminée (XVII, 15). Ce témoignage montre qu'ils connaissaient les effets nocifs de la plante et savaient les maîtriser, ce qui suggère non seulement un usage du poison à des fins cynégétiques, mais aussi une connaissance empirique de ses propriétés thérapeutiques. (Pierre Louarn pour l'Arbre Celtique).
Sources
• E. Bury, (2000) - "La culture de l'érudition à Rome à l'époque antonine", Cahiers des Études Anciennes, vol. 36, p. 89-104.
• P. Cordier, (2009) - "La construction du savoir chez Aulu-Gelle", Revue des Études Latines, vol. 87, Paris, p. 245-260.
• R. Marache, (1964) - Études sur Aulu-Gelle et la vie intellectuelle au IIᵉ siècle après J.-C., Paris, Éditions Klincksieck, 342 p.
• C. Miotti, (1992) - "Aulu-Gelle et la tradition érudite latine", Latomus, vol. 51, Bruxelles, p. 809-828.
• J.-M. Pailler, (1997) - "De Favorinus à Aulu-Gelle : philosophie et mémoire dans les Nuits Attiques", Pallas, n° 46, Toulouse, p. 157-170.
• J.-C. Thibault, (1986) - "Aulu-Gelle et l'écriture fragmentaire : érudition et anecdote", Revue des Études Anciennes, vol. 88/1, Bordeaux, p. 31-52.
• Pierre Crombet pour l'Arbre Celtique