Juvénal - Satires (Saturae) - Oeuvre composée entre la fin du Ier et le début du IIᵉ siècle apr. J.-C., sous les règnes de Domitien, puis de Trajan et Hadrien. Les Satires sont un recueil de 16 poèmes satiriques en hexamètres, visant à dénoncer avec une virulence exceptionnelle les vices de la société romaine. Juvénal y critique : la corruption politique, la cupidité, le dérèglement sexuel, la décadence morale des élites, le cosmopolitisme jugé excessif de Rome. Son style est indigné, mordant, hyperbolique, à la différence d'Horace ou Perse, plus mesurés. Il adopte la posture du moraliste outré par la dégénérescence de Rome.
Les Satires de Juvénal n'ont pas été conçues comme un seul livre d'un bloc, mais publiées progressivement, probablement en plusieurs recueils successifs. La répartition en 5 livres que nous connaissons aujourd'hui est postérieure et résulte de la tradition manuscrite.
L'autel de Lyon...
Dans Satire I, vers 44, Juvénal mentionne l'autel de Lyon(autel fédéral des Trois Gaules), traditionnellement localisé à Condate (le confluent Rhône-Saône), lieu du culte impérial en Gaule. Il s'en sert pour critiquer ceux qui cherchent la faveur des puissants en offrant des cadeaux jusque dans les provinces. Cette référence illustre la corruption, la flatterie et l'ambition servile, plutôt que le mérite ou la vertu. (voir : Le culte impérial par Juvénal).
... et de Diane
Deux scholies identifient l'autel de Lyon à un autel de Diane et précisent que les concours oratoires s'y déroulaient devant l'empereur, les vainqueurs étant ensuite chargés d'enseigner ailleurs. L'une établit même un parallèle entre le culte de Diane en Gaule et à Aquinum, patrie de Juvénal, allant jusqu'à mentionner un domaine du poète situé près d'un temple de Diane. Cette interprétation, absente du texte, reflète toutefois une volonté du scholiaste de contextualiser le passage à partir de traditions locales et d'éléments biographiques, témoignant d'une connaissance concrète des réalités évoquées.
Epona
Il cite la déesse gauloise Épona dans la Satire VIII pour tourner en ridicule un aristocrate romain déchu (Lateranus), qui en arrive à jurer non pas par Jupiter, mais par Épona, divinité associée aux chevaux et aux écuries. Ce renversement révèle une dégradation morale et sociale : un homme de haute naissance adopte les pratiques d'un palefrenier ou d'un muletier.
Les scholies à propos d'Épona sur les Satires de Juvénal, malgré certaines limites, ne sauraient être écartées. Elles révèlent une connaissance effective des réalités évoquées par le ou les scholiaste(s) et apportent des données concrètes permettant de mieux comprendre certains passages - comme c'est précisément le cas ici (voir : Epona sur Juvénal). Il est cependant étonnant de constater que le scholiaste établit un lien entre Épona et ἵππος : bien qu'il n'ait pas eu connaissance des langues indo-européennes, il procède par analogie en rapprochant trois fois le même mot - en gaulois, en grec et en latin - pour signifier "cheval" (voir : epo- "cheval").
Licinus, l'affranchi gaulois
Juvénal cite Licinus dans la Satire XIV (v. 303-314), en tant que symbole du parvenu enrichi sans noblesse. Il incarne l'opulence ostentatoire, l'avidité et l'instabilité morale liées à une fortune parfois mal acquise. Juvénal l'utilise comme modèle négatif pour illustrer la critique de la cupidité et de sa transmission de père en fils, dénonçant les excès d'une ascension sociale fondée non sur la vertu, mais sur la richesse et les privilèges. Dans son Histoire Romaine (livre 54, ch. 21), Dion Cassius décrit Licinus comme un ancien Gaulois, capturé par les Romains, réduit en esclavage, affranchi, puis nommé "procurateur de la Gaule" par l'empereur.